À Pogradec avec les doyens du bord
Après la Macédoine du Nord, me voilà en route pour l’Albanie et Pogradec. La frontière albano-macédonienne franchie, le bus continue sa route vers Tirana après m’avoir jeté sur le bord de la route.
Dix minutes. C’est le temps qu’il faut pour être pris en stop en Albanie. Je suis à peine installé dans sa voiture que Kelly m’assaille de questions : « Je te dépose où ? Tiens, tu as soif ? Tu veux internet ? »… Moi qui pensais être pris après treize kilomètres de sueurs et huit litres de marche, ou l’inverse. Sa belle Mercedes rouge et son physique ne le montrent pas vraiment, Kelly travaille dans la vidéo surveillance. Mais nous sommes en 2023, il faut plus que jamais se méfier des clichés. Surtout lors d’une première rencontre dans un pays étranger avec un gars aussi sympa. Ah bon ? Tu pensais que Kelly était une femme ??
Avec son lac, ses marchands de glaces et sa fête foraine, Pogradec a tout d’une station balnéaire qui joue à guichets fermés. À moins que je ne sois encore enfermé dans un cliché…
Le lac d’où ?
Le lac de Pogradec avait le choix entre Macédoine et Albanie. Il a fait le choix de ne pas choisir. Les Macédoniens l’appellent le lac d’Ohrid en référence à la plus grande ville qui borde sa rive, là-bas. Les Albanais l’appellent Pogradec donc, et les deux n’arrivent pas à s’entendre sur ce point.
Les uns disent qu’il s’appelait comme ça en premier, et les autres aussi. Mais qui croire dans cette histoire ? Certes, il y a des problèmes plus graves dans la vie. Certaines boulangeries, pas plus loin que sur Terre, vendent encore et toujours des chocolatines.
La pêche à la Lin
Mon premier jour à Pogradec, je vais le passer à Lin, un village de pêcheurs situé à vingt kilomètres au nord. Malgré une fourgonnette pleine à craquer, le chauffeur écoute son envie subite de manger une glace. Il fait demi-tour au premier rond-point et file à l’autre bout de la ville. Quitte à s’envoyer un cornet, autant que ce soit celui de ton glacier préféré, non ?
Comme s’il avait annoncé une tournée générale de boules vanille, la moitié des gens du bus sort pécho sa glace. Depuis mon siège, je les vois installer un PMU d’appoint sur le trottoir, les glaces ayant piqué la place des galopins au casting. Un papy prend une boule vanille en rabe dans un pot. Quand il descend, vingt minutes plus tard, un morceau d’iceberg se débat dans un océan de vanille. Madame a dû boire sa glace cul sec ce jour-là !
Le bus en Albanie
Prendre le bus en Albanie, c’est assez simple. Tu tends le bras quand tu vois une fourgonnette avec le panneau de la ville où tu veux aller sur le pare-brise, puis tu cries « hep », pour demander à descendre à l’endroit qui te plait le plus. Le bus s’émiette au fur et à mesure du trajet, si bien qu’on est plus que trois à descendre au centre bourg de Lin.
Les rives du village sont vides aujourd’hui. Dans un petit jardin, un mec retourne la terre avec sa bêche. Il semble en vouloir à son chewing-gum, mis à mal par une dentition intermittente. Plus loin, madame charrie une brouette remplie de légumes alors que monsieur la suit, une pelle sur l’épaule et une clope roulée au bord des lèvres. Le mercredi à Lin, au lieu des frites à la cantoche, c’est jardinage pour tous !
Le village est enclavé sur le flanc d’une colline qui domine le lac. L’Église catholique qu’on trouve là-haut, et qui date de très longtemps avant maintenant, n’a laissé que trois cailloux et aucun mot d’adieu avant de disparaître. Mais c’est la vue qui m’intéresse ici, et elle m’offre un tête-à-tête privé avec les toits de Lin d’un côté, et le lac de Pogradec de l’autre. Lin, c’est un bled où t’as pas envie d’atterrir une nuit de pleine de Lune. Une nuit tout court non plus, d’ailleurs. En revanche, je te conseille d’y faire un tour quand le soleil t’a pris en filature.
Pogradec et le doyen des lacs
En introduction, j’émettais la probabilité hypothétique qu’une station balnéaire aux allures de La Grande-Motte avec l’accent des Balkans sommeille en Pogradec. Et bien que nenni, mes bien chers frères, mes bien chères sœurs. Il s’agit tout simplement d’une petite ville bordée par le lac le plus vieux et le plus profond d’Europe. On a bien une minifête foraine et quelques marchands de glace, dont la secte est répandue dans toute l’Albanie, mais pour le reste, c’est plutôt paisible.
La seule nuisance sonore provient des petits vieux qui s’égosillent à la moindre suspicion de triche aux dominos ou aux échecs, les deux pratiques phares du pays. L’un d’eux m’appelle et se met en tête de deviner ma nationalité. Après avoir fait le tour de la Méditerranée en commençant par le Maghreb, il se renfrogne en replongeant dans sa partie. Il avait oublié de citer la France !
Le parc national de Drilon
En général, quand je vois l’association des mots « parc » et « national » à moins de dix kilomètres à la ronde de ma position, j’ouvre un nouvel onglet dans le dossier « Enquêtes » du classeur dédié aux parcs nationaux. Blogueur voyage, c’est un vrai boulot les gars. Croyez pas qu’on y prend que du plaisir !
L’enquête est assez rapide. Mon indic Jean-Michel Gougueulemapsse m’indique que le parc national de Drilon est à deux kilomètres de Pogradec. Ni une, ni trois, j’enfile deux chaussures de rando et file en quatrième vitesse vers la félicité promise.
Deux kilomètres, quelques photos et trente minutes plus tard, me voilà face à une tractopelle. Le lac, le petit bois autour et les canards sont bien présents. Mais l’agence touriste du coin a juré leur perte. Plusieurs hôtels en construction se succèdent tout autour du site. Le parc est tout petit. Après un tour de vingt minutes, je peux le cartographier au canard près. Pour trouver de quoi s’occuper plus longtemps, il y a les kayaks et les restaurants.
Mon avis sur Pogradec
Ici, rien d’incroyable, rien n’est hors du commun, mais l’extrait de vie aperçu à Pogradec m’a plu. Mes quatre jours passés sur place ont filé tout doucement. Je me suis mis au rythme local : pas trop vite le matin, mais pas trop doucement l’après-midi et un peu moins vite le soir. Le village de Lin vaut la peine d’y passer quelques heures. Le parc national de Drilon sera bientôt taillé pour accueillir des gangs de Chinois par packs de 12. Le chemin pour s’y rendre est le plus intéressant, avec son expo annuelle de la vie en Albanie. Pour les amateurs de sensations fortes et d’excursions de 8 heures à 23 heures, passez votre chemin ou une seule journée sur place. On m’avait conseillé Ohrid, car « personne ne va à Pogradec ». Du coup, moi, j’y suis allé.
Marche sur mes pas !
1 € = 106,22 Leks albanais (ALL)
1 € = 61,65 Denars macédoniens (MKD)
Dormir à Pogradec
- Klent Studio Apartment : 1 885 ALL (17,70 €) le studio pour une nuit. Bien placé, très bien équipé et Robert le gérant est aux petits soins.
Manger à Pogradec
- Hôtel Leza, à Lin : bon restaurant situé dans le centre, prix moyens.
- The Change : bouffe, service, prix et situation impeccables.
- Artist Pizza : pizzas excellentes et pas chères.
- Rusi Grill : bon fastfood local, situé au centre-ville.
- Kafene : idéal pour boire un café en terrasse face au lac.
Les transports
- Bus Pogradec – Lin : 100 ALL (0,93 €) l’aller/p., 30 minutes. Départ d’ici toutes les 30 minutes à partir de 8 h. Pareil depuis le centre de Lin.
- Bus Pogradec – Berat : 1 000 ALL (9,30 €) le trajet/p., 4 heures. Départ de Korça chaque jour à 10 heures. Il faut se rendre ici à 11 heures et faire signe au chauffeur du bus marqué « Berat ».
- Bus Skopje – Tirana : 1 280 MKD/p. (20,80 €), 6 heures. Puis, 20 minutes en stop entre la frontière et Pogradec. Avec Eurobus, départ tous les jours à 8 heures et 9 heures du matin.
Comments (2)
J’étais passé le long du lac d’Ohrid en bus entre Korçë et Tirana, mais sans m’arrêter. Certaines de tes photos de paysages ont un côté assez bucolique des plus plaisant. Merci pour la balade 🙂
Quand on s’y arrête, le temps également…
Merci beaucoup pour ton commentaire 🙂