5 jours de trek en hamac dans Les Vosges
L’été dernier (2023 si tu lis cet article en 2048), je suis parti faire une grande randonnée en hamac dans Les Vosges. Une grande randonnée, que dis-je !, c’était une véritable aventure ! À six, à deux puis à quatre, en chaussures et avec des bâtons, en hamac et en dortoir, au Munster et au vin rouge… viens découvrir l’aventure, la vraie. Je t’emmène sur 154 km de trek dans Les Vosges en passant par la route des crêtes et le terrible Hohneck !
Attention, cette aventure s’adresse plus aux passionnés de marche à pied qu’aux férus de curling sur herbe.
Je dédie cet article à Thibault, Anne-France, Vincent, Franck, Carole, Fred et Joachim, mes compagnons de marche et de bière.
Genèse et préparatifs d’un trek en hamac dans Les Vosges
Tout commence à l’été 2022. Mon ami Thibault, un Alsacien qui partage mes passions pour l’aventure et la déraison, me propose de prendre des hamacs pour aller dormir dans la forêt. Après une nuit à écouter les moustiques gratter la terre et les sangliers voler autour de nous, ou l’inverse, on se réveille en pleine nature avec la tronche dans le pâté, sans miroir pour la contempler. À cet instant précis, nos deux esprits admettent à l’unisson que c’est trop de la bombe. Il ne nous manquait ce jour-là qu’un café et une feuille de vigne pour devenir les rois de la forêt.
Cinq jours de trek dans Les Vosges, à qui s’adresse cette aventure ?
Cette randonnée en quasi-autonomie s’adresse aux habitués des marches sur plusieurs jours avec un gros sac sur le dos.
Quel matériel emmener ?
- un sac à dos Osprey Aether 60 L,
- un hamac 2 places Nature Fun,
- un sac de couchage Millet – 10 °C,
- un sac à viande en soie Treksilk,
- un matelas ultra-compact Trinordic,
- une paire de chaussures de trek Scarpa Rush GTX,
- une paire de tongs Havaianas,
- un mini réchaud 360° Degrees avec une recharge gaz Jetboil,
- une gourde Quechua 1 L + un Camelbak 2 L,
- un appareil photo Hybrid Panasonic Lumix GX9,
- deux objectifs : Lumix G Vario 14/140 + focale fixe 25,
- une veste technique en laine de mérinos Katmandou,
- un pantalon/short technique et un short technique,
- quatre t-shirts techniques en laine de mérinos,
- quatre caleçons et trois paires de chaussettes,
- trois mousquetons de secours + des couverts de camping,
- une liseuse avec 32 584 livres dedans (j’ai pas eu le temps de tout lire),
- une cafetière italienne Bialetti 500 ml.
Pour la bouffe, sur 6 personnes chacun prend un repas pour 6 avec 3 repas en plus et les petits déjeuners à répartir. Chacun part avec 2 ou 3 litres d’eau, mais il y a des sources d’eau potable un peu partout dans le Massif des Vosges.
Poids total : 10 kg (nourriture incluse).
Se rendre au point de départ
Pour aller au point de départ, on a pris le train depuis la gare de Strasbourg. Mais si tu peux partir depuis une autre gare, te faire déposer par un ami en voiture ou par un goéland qui part au taf, c’est bien aussi.
Jour 1 : Metzeral – Coucher de soleil de Longemer (24 km)
Gare de Metzeral – Lac de Fishboedle
Pour nous donner un peu d’élan, Vincent passe acheter du vin rouge à la supérette du village. À la sortie, on bifurque par la forêt pour atteindre le lac de Fishboedle en moins de deux heures.
Lac du Schiessrothried – Gashney
Après une courte pause au bord lac de Fishboedle, on atteint notre deuxième lac au nom aussi lisible que prononçable (la flemme de le réécrire). Le dénivelé s’accentue quand on prend le chemin qui remonte par la forêt en direction du Gashney, où l’on arrive vers midi.
Ci-dessous, Vincent, Thibault et Franck qui regardent par où on doit passer pour se perdre ensuite. Pendant ce temps-là, toujours prêt à aider mon prochain, je bois une bière.
Comme c’était déjà à moitié prévu, on se perd pas loin du début du sentier des Roches. On préfère couper par la forêt et remonter face au Honeck plutôt que de tenter le Diable. En effet, le sentier des Roches est dangereux et réputé pour les nombreux accidents qu’il cause chaque année.
Le chemin serpente à travers la forêt et nous offre deux belles vues sur les Petit et Grand Honeck alors que le soleil commence à redescendre tout doucement. Après ce long passage dans la forêt, nous savourons les points de vue sur les sommets qui s’offrent à nous, éclairées par l’astre aimé.
Col de la Schlucht
On arrive au col de la Shlucht vers 17 heures 30. L’emplacement propice pour monter le campement se trouve quelques centaines de mètres plus loin, près du jardin d’altitude du Haut Chitelet. Nous pendons les hamacs et les affaires tout autour d’une ancienne remontée mécanique avec une vue imprenable sur Retournemer et son lac. Alors que la plupart des gens de la région projettent de s’enfermer dans un lit, nous nous mettons en colocation avec la nature pendant une nuit dans notre dortoir à ciel ouvert.
Depuis mon lit d’appoint qui lévite entre deux poteaux, j’aperçois le soleil s’évader au loin. Une faible brise vient bercer mon hamac, Les Vosges s’endorment. Me voilà parti pour la nuit, emporté par cette comptine sensorielle que veut bien me narrer la nature.
Jour 2 : Col de la Schlucht – Col des Bagenelles (33 km)
Col de la Schlucht – Lac du Forlet
J’ouvre les yeux, enfermé dans mon hamac. Poussez-vous, la chrysalide s’apprête à devenir papillon. Je m’étire et déploie mes ailes, mais il n’y a pas de temps à perdre. La première chose à faire quand on dort dans la nature, avant même le café, c’est son lit. À peine ai-je fini de ranger mes affaires que la nature rappelle mes coéquipiers à l’ordre. La douche matinale qui vient du ciel les force à oublier le petit déjeuner qu’ils pensaient prendre au saut du lit.
On part en direction de la route des Crêtes. Elle suit l’ancienne frontière qui nous séparait de l’Empire allemand à l’époque où les casques à pointe étaient à la mode. C’était aussi une ligne de défense stratégique pendant la Première Guerre Mondiale.
Sans difficulté particulière, la route des crêtes nous offre des panoramas grandioses avec des vues spectaculaires comme celle ci-dessous qui donne sur le lac du Forlet. L’endroit idéal pour pratiquer trois de nos activités favorites : manger, casser la croûte et se nourrir.
Route des Crêtes – Col des Bagenelles
À travers la forêt, la route des Crêtes suit les stèles qui marquaient la limite de notre pays jusqu’en 1919. Nous redescendons ensuite jusqu’au col du Bonhomme, puis jusqu’au col des Bagenelles où nous attend Fred.
Anne-France, Carole et Franck ne voulaient pas partir plus de deux jours et Vincent a des obligations, ils ont donc demandé à Fred de bien vouloir les rapatrier le soir du deuxième jour.
Tout ce beau monde nous quitte, nous laissant seuls, Thibault et moi, face à la nature. Cette dernière vient littéralement doucher nos ambitions de dormir en hamac, Les Vosges nous servent l’apocalypse sur un plateau. Après quelques minutes d’hésitation, on se réfugie dans un établissement qui propose des dortoirs. C’est un peu moins l’aventure, mais le déluge qui s’abat au-dehors nous donne une espérance de vie de sept minutes en hamac, en étant optimistes.
Jour 3 : Col des Bagenelles – La Jambe de Fer (37 km)
Le grand Brezouard
Six heures pétantes, le cycliste qui dormait dans le lit d’à côté a enclenché le premier coup de pédale deux heures plus tôt. On ouvre les yeux et on prépare nos affaires. J’enferme l’équivalent du petit déjeuner du Roi d’Angleterre dans un baluchon tandis que le reste des affaires nous attendra à l’auberge. Notre objectif du petit matin est de monter au grand Brezouard. Ce sommet domine la vallée et propose même un refuge où l’on cueille d’autres randonneurs au réveil.
Ci-dessus, Thibault qui marche avec désinvolture et circonspection vers son destin inéluctable.
Après quelques photos et avoir rendu jalouse la population alentour avec notre cafetière italienne, on redescend pour récupérer nos affaires à l’auberge et entamer notre troisième jour de marche.
Col des Bagenelles – Château de Faîtes
On commence la journée par une bonne et une mauvaise nouvelle. On croise une ferme qui vend du Munster fermier après cinq cents mètres de marche. La mauvaise nouvelle, c’est qu’on ne trouve pas de pain. La nature nous envoie une nouvelle épreuve, mais on espère en trouver d’ici la prochaine pause. En effet, à chaque pas que l’on fait, le Munster nous appelle et nous incite à l’indolence pour nous délecter de son bonheur coulant.
Le sentier monte sévèrement en début de matinée et le grand Brezouard est encore un peu dans les mollets. On atteint une crête pour passer à travers la forêt. Oui, encore une. Quelqu’un a jugé bon de planter des arbres un peu partout autour de nous. Mais les arbres se marient étrangement bien avec la pratique des nuitées en hamac dans Les Vosges.
En milieu de matinée, peu avant d’attaquer la grande montée qui mène au château de Faîtes, on croise un groupe de vieux armés de sourires croustillants et d’un pain éclatant. Non, pas l’inverse. À nos yeux, ce jour-là, le pain est bien plus éclatant qu’un sourire ! Ce morceau de pain inopiné sonne l’heure de la récré. De plus, une table nous barre la route, on ne peut plus y couper.
« God save the Munster fermier »
Après cette remise à niveau cinq étoiles en pleine nature, on attaque une belle montée. Sur le chemin, un ancien bunker allemand nous laisse entrevoir la difficulté qu’avaient les soldats de passer par ici sans se prendre une rafale de pruneaux dans les gencives. L’arrivée au château coïncide avec la rencontre d’un autre groupe avec du pain, d’une table et de la seconde moitié de Munster fermier laissée vacante cent mètres plus bas.
La Hingrie – Jambe de Fer
On passe une grande partir de l’après-midi en pleine forêt. Les arbres ont tout de même la politesse de s’écarter au hasard des points de vue sur le Val d’Argent et d’autres panoramas du Massif des Vosges. Cette partie de la randonnée est moins empruntée, on ne croise que quelques scouts en route vers une mission qui semble être de la plus haute importance.
Une pensée pour Joseph, nommé au premier Darwin Award de l’histoire.
Après une longue marche dans la forêt, nous arrivons près de la chapelle de la Jambe de Fer sur les coups de 18 heures. Ici, nous sommes complètement isolés, sans réseau et sur nos réserves d’eau. Inutile de rappeler que l’eau est vitale en trek. Sans eau, plus de café ! Heureusement, un petit cours d’eau fait son chemin à cent mètres à peine. On en fera bouillir si besoin.
Alors que l’on termine de se brosser les dents, prêts à prendre place dans nos hamacs respectifs, la pluie s’invite en soirée. En catastrophe, on démonte le camp pour courir s’abriter sous la chapelle. On étend les sacs de couchage à même la pierre dans l’entrée de l’édifice, vraisemblablement fermé depuis 1423. On se prépare à tourner le remake français de « L’exorciste » quand la pluie s’arrête, nous invitant à regagner notre dortoir forestier.
Jour 4 : Fouillaupré – Rocher du Neuntelstein (35 km)
Cette quatrième et dernière journée commence par l’exploration d’une maison qui fait semblant d’être abandonnée, la petite source d’eau qu’elle cache dans son arrière-cours nous permet de faire le plein.
Le Climont
Connu dans la région pour les délicieux yaourts du même nom, le village du Climont nous propose de belles photos à voler et une ferme pour acheter le Munster du jour !
On part ensuite en direction du col de Steige. Les sentiers qui y mènent sont nombreux et font le yoyo entre montées et descentes. À travers la forêt, on finit par se tromper de chemin et une armée de framboisiers attire très vite notre attention. Les premières framboises sauvages de l’année nous occupent pendant une heure. Tels des ours devant une ruche, on en oublie les vingt kilomètres qui restent à parcourir.
Le Champ du Feu
Après le repas de midi, commencé par le dessert, on arrive enfin au col de Steige et on entame une longue montée vers le Champ du Feu, qui se grime en station de ski l’hiver durant. En pleine digestion et en proie à une flemmingite aigue, on se pose dans l’herbe, au bord du chemin, pour effectuer une sieste qui n’a rien à envier à celles qu’on fait quand on a deux ans.
Le Champ du Feu atteint, nous poursuivons notre marche sur un plateau qui domine le Massif des Vosges. Pendant deux heures, on serpente entre les pistes de ski de fond en direction du Rocher du Neuntelstein.
Le Rocher du Neuntelstein
On arrive au Rocher du Neuntelstein sur les coups de 18 heures. Quand la petite famille en mode pic nic aura débarassé le plancher, nous serons à nouveau seuls. Enfin presque ! Franck et son fils Joachim se font déposer par Carole avec leurs hamacs. Ils ont décidé de nous accompagner lors du dernier jour de marche.
Avant de prendre nos quartiers, on descend vers une petite rivière en contrebas pour opérer un semblant de toilette. Même si on a changé plusieurs fois de vêtements, au bout de 4 jours le manque de douche se fait ressentir. Je vis chaque contact avec l’eau comme une heure dans un établissement 4 étoiles proposant SPA et relaxation. Partir à l’aventure en pleine nature, c’est littéralement la fête du slip !
Imprenable, la vue de notre chambre donne sur tout le Massif des Vosges. On aperçoit même Strasbourg au loin et l’Allemagne, qui se laisse deviner en toile de fond.
Jour 5 : Rocher du Neuntelstein – Urmatt (25 km)
Au petit matin, quatre hamacs gigotent au milieu des Vosges. Accrochés aux derniers arbres qui font face à la vallée, nos lits de toile sont quasiment suspendus au-dessus du vide. À l’instar du rideau rouge qui dévoile les premiers instants d’une pièce de théâtre, la nuit lève son voile noir pour nous offrir les premières couleurs d’un spectacle tout en nature.
Ma personne, en lévitation à un mètre du sol, écarquille les yeux au fur et à mesure que l’ampoule du plafond céleste envoie plus de lumière. Inénarrable, cet instant ne peut être vécu qu’en images.
Entre forêts, petits villages et bières en terrasse, la dernière matinée de cette aventure est plutôt paisible. En début d’après-midi, notre arrivée à Urmatt, où la démographie se mesure très vite, est vécue comme un retour à la civilisation après avoir côtoyé des arbres et des fourmis pendant cinq jours.
5 jours de trek en hamac dans Les Vosges
Du 10 au 14 juillet, de Metzeral à Urmatt, nous avons parcouru 154 kilomètres à pied. Nous avons dormi 3 nuits en hamac dans Les Vosges et une dans une auberge. Je n’ai pas calculé les dénivelés, mais je sais que ça montait et redescendait beaucoup. Parfois, ça descendait même avant de remonter.
Si tu aimes la marche, le Munster, les framboises et la nature, cesse de lire cet article à l’instant. Fonce le vivre !
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