Nay Pyi Daw : la capitale fantôme
On a passé une journée à Nay Pyi Daw, la capitale fantôme du Myanmar.
On arrive au milieu de la nuit. Comme d’habitude, les taxis présents se ruent sur nous. On sait que les prix sont plus élevés qu’ailleurs dans cette ville où personne ne va. Mais on tente quand même la négociation, comme toujours. Peine perdue, les gars savent qu’on n’a pas le choix et surtout, on est vraiment seuls ! Le bus est déjà reparti, et autour de nous, il n’y a que des taxis. La route pour aller à l’hôtel est vide, jonchée de lampadaires qui n’éclairent personne.
À l’arrivée, l’accueil est typiquement birman (parfait donc), mais notre hôtel, comme tous les hôtels de la ville, dispose de 12 hectares de terrain. On a donc droit à une voiturette électrique de 10 places pour nous tout seuls afin de rejoindre notre bâtiment de chambres. Ambiance de film postapocalyptique dans cette ville étrange et spéciale, on se sent vraiment seuls…
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Un changement capital
Le Birman n’aime pas les choses ancrées visiblement. Ça leur prend comme ça, un matin, on se lève et on change les noms des villes ou du pays. Et pourquoi pas le drapeau pendant qu’on y est ?! Ah, c’est déjà fait depuis 2010. C’est pourquoi au Myanmar, qui s’appelait Birmanie, on a créé Nay Pyi Daw (la maison du roi), qui s’appelait Pyinmana, en 2005, pour remplacer Yangon, qui s’appelait Rangoun, en tant que capitale du pays. Vous suivez ?
Avant
Après
Nay Pyi Daw : la folie des grandeurs
Nay Pyi Daw, ville ouverte aux étrangers seulement depuis 2010, a été construite de toute pièce. Dans le plus grand secret, ils ont ratiboisé (on aime bien le mot « ratiboiser », ça fait quatre mois qu’on essaye de le placer !) la jungle sur des kilomètres pour qu’elle voie le jour. Elle fait 6 fois New York (70 fois Paris pour les chauvins) et compte un million d’habitants, chiffre officiel que le gouvernement birman a certainement gonflé vu la petite dizaine de voitures aperçues à l’heure de pointe.
Plusieurs raisons sont évoquées pour justifier ce changement de capitale :
- recentrer l’administration,
- se rapprocher des régions et des ethnies du nord,
- anticiper une attaque américaine provenant de la mer par Yangon (vous avez dit parano ?),
- construire des routes très larges pour dissuader les manifestations.
La ville est découpée en zones distantes de plusieurs kilomètres les unes des autres : les zones 1 & 2 des hôtels, la zone des magasins, la zone des restaurants, etc. Il y a aussi des villes dans la ville, ultra-sécurisées, où vivent tous les anciens généraux dirigeants de la junte militaire depuis le coup d’État de 1988. Chaque ministère a une zone bien définie incluant les logements de fonction des employés, on les différencie par la couleur des toits (ex : vert pour l’éducation, bleu pour la culture, etc.).
Un vaste réseau de bunkers et de sous terrains se trouverait sous la ville dont l’étendue dépasserait celle-ci. Ceci afin d’anticiper le jour où le peuple déciderait de reprendre le pouvoir en Birmanie, pour pouvoir disparaître en toute discrétion.
Nay Pyi Daw, la capitale fantôme
Pour visiter Nay Pyi Daw, il n’y a que deux moyens : louer un scooter. Mais pour cela, il faut que votre hôtel propose ce service, ou prendre un taxi à la journée. On a cherché, il n’y a pas de bus et encore moins de métro. En même temps, des transports en commun dans une ville sans habitant… autant demander où se trouve le téléphérique pour l’Everest !
Le musée de l’armée de Nay Pyi Daw
On part donc en taxi, direction le musée de l’armée. Un conseil, prenez de quoi vous occuper pendant les 45 minutes de route (on vous a dit que c’était très grand ?). À l’arrivée, c’est la fête au village, les gardes de l’entrée sont heureux de nous voir. Ça se comprend au moment de signer le registre, il n’y a pas foule tous les jours. On nous donne un pass à mettre autour du cou. Puis, on commence la visite. Le musée est grand comme une ville. Tellement grand qu’on ne peut le visiter qu’en voiture !
Il y a tous les véhicules de l’armée grandeur nature, des hélicos, des avions, des bateaux, des chars et des voitures. On peut même monter dedans. Tout ceci avec pour seule compagnie les gardiens qui sont ravis de se prendre en selfie avec nous et de temps en temps des femmes de ménage. La chose la plus incroyable le concernant est qu’il est totalement gratuit.
Shooting photo sur autoroute à Nay Pyi Daw
On fait ensuite un détour pour aller voir la fameuse autoroute de 20 voies qui mène au centre-ville. Et là, on devine à vos mines ébahies que vous vous posez la question : « Mais pourquoi construire une autoroute de 20 voies en plein centre d’une ville ? » Eh bien mesdames et messieurs, c’est au cas où un jour, on a besoin de faire atterrir un Boeing, tout simplement. Ça nous parait bizarre à nous autres occidentaux, on est tellement ringards avec nos autoroutes réservées aux voitures…
On demande bien sûr à faire un stop pour aller se dégourdir les jambes. Notre chauffeur de taxi nous attend posé contre son capot quand tout d’un coup une voiture aux vitres teintées se gare juste derrière la sienne. Son regard change d’une seconde à l’autre et il se met à nous fixer sans nous lâcher des yeux. La voiture reste là, puis fait demi-tour au moment où l’on décide de repartir. Pendant qu’elle s’éloigne, on peut sentir le stress descendre chez notre ami chauffeur, comme si on n’avait pas le droit d’être là.
Uppatasanti, une autre Shwedagon
Pour montrer qu’ils ne rigolaient pas, une réplique de la pagode Shwedagon de Yangon a été construite par les dirigeants birmans. Il y a quelques différences avec l’originale, à commencer par l’ascenseur pour y accéder avec un employé payé pour appuyer sur le bouton (#meilleurjobdumonde). Elle fait un mètre de moins (98 mètres de haut donc) que l’originale, sauf qu’on peut y entrer.
L’intérieur est très beau, et dispose de plaques de marbre, chacune gravée d’une étape de la vie de Bouddha. On peut y voir la naissance de Bouddha, les quatre visions de Bouddha, l’éveil de Bouddha, Bouddha contre les méchants, le retour de Bouddha, Bouddha contre-attaque, etc.
D’habitude au Myanmar qui dit pagode dit invasion de moines et de fidèles, mais là, personne ! Juste quelques personnes qui prient et des jeunes qui finissent de tailler la dernière plaque de marbre (d’une seule pièce s’il vous plait !), du bonheur pour les photos.
Water Foutain Garden
Situé au cœur de Nay Pyi Daw, ce jardin de 67 hectares comprend 13 fontaines et des jeux pour enfants. Il y a un spectacle d’eau et d’éclairage à la tombée de la nuit. Le parc est sympa à découvrir et on y a rencontré quelques locaux. Il semble abandonné depuis qu’il a accueilli les jeux d’Asie du Sud-Est en décembre 2013.
La ville compte aussi deux parcours de golf et deux terrains de football de 30 000 places. On pense que les parcours sont vides. Les matchs de foot doivent être plus silencieux qu’un match à Louis II* (ça faut le faire), mais les installations sont bien là !
Il suffit de se balader pendant quelques heures à Nay Pyi Daw pour sentir que tout ne tourne pas rond dans la tête des généraux birmans, mais on constate qu’ils ne font pas les choses à moitié. On a adoré assouvir le fantasme d’avoir une ville entière rien que pour nous, même si une journée est bien suffisante pour la découvrir. Maintenant, on part pour Yangon, effectuer un bon retour à la réalité. Ou presque, n’oublions pas que nous sommes en Birmanie !
* Le stade de l’AS Monaco qui est pratiquement vide à chaque match.
Marchez sur nos pas !
1 € = 1 462 Kyats birmans (MMK)
Dormir à Nay Pyi Daw
- Golden Lake Hotel – Zone 2 : 31 225 MMK (21,60 €) la chambre double avec petit déjeuner. La douche et les toilettes sont privées, mais dans une salle de bain commune. On n’a pas eu trop le choix, tous les autres étaient trop chers !
Les transports
- Bus Bagan – Nay Pyi Daw : 6 heures. 11 000 MMK/p. (7,60 €).
- Taxi pour 6 heures : 45 000 MMK (31 €)
Les visites
- Les entrées à Uppatasanti et au musée de l’armée sont gratuites.
- Water Fountain Garden : 950 MMK/p. (0,60 €).
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