Cash cash en Inde
Récit de notre arrivée en Inde, pays en pleine tourmente financière.
Pour vous faire un court topo de la situation indienne, le gouvernement en a eu ras la casquette de la corruption et a eu l’ingénieuse idée de couper l’eau. C’est-à-dire que du jour au lendemain, les billets de 500 et 1 000 roupies valent l’équivalent d’une feuille de salade. Et une feuille de salade indienne, ça fait flipper. Ça peut même vous conduire tout droit jusqu’à l’hosto ces histoires. Sans compter qu’ils ne les ont pas remplacés et que nous on arrive. Et c’est là que la partie de cash cash commence !
Des roupies népalaises échangées à la frontière, il nous reste de quoi dormir et manger en arrivant, et peut-être partir pour Agra le lendemain. Nos recherches dans les forums nous disent que l’on peut retirer. Normalement…
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Welcome to India
Dès la frontière, on est dans le vif du sujet. Ça pue et c’est sale. Les autochtones marchent pieds nus sur les déchets qu’ils foutent eux-mêmes par terre soit la scène la plus désopilante (ou pas) du monde, mais passons. Nous sommes en Inde ! Le cagibi qui sert de bureau d’immigration nous relâche en 2 coups de tampon, et nous voilà partis pour fuir le plus loin possible en courant découvrir cette nouvelle destination.
Tels des funambules de dépotoir, nous slalomons sur la pointe des pieds, entre les déchets, afin de nous hisser non sans peine jusqu’à l’espèce de tôle rectangulaire sur roues qu’ils osent appeler un « bus ». Des gens descendent pour le pousser afin qu’il démarre et nous voilà partis pour Gorakhpur, nos sacs saucissonnés à la va-vite sur le toit.
Fidèle à sa réputation, que nous avons lue sur le net, Gorakhpur ressemble plus à un repaire de brigands avides de touristes à détrousser qu’à une jolie petite ville de transit. Les déchets sont encore là, les vaches viennent en famille se faire des gueuletons dans les poubelles et les Indiens sont tellement louches qu’ils feraient passer nos malfrats français pour des évangiles.
Un repas de famille.
Vu l’état de la ville, on vous précise qu’on part dès le lendemain ou c’est pas la peine ??
Cash cash en Inde
Compte rendu de la situation sur place : Ni la gare ni les agences de voyages ne prennent la carte et nous n’avons pas assez de monnaie. Les DAB (Distributeurs Automatiques de Billets) sont réapprovisionnés au hasard des jours, des heures, des banques, des villes, de la tête du banquier etc … La limite est de 2000 roupies/carte/retrait. 2000 roupies soit 27 € … Or, tous les DAB autour de nous sont fermés.
En cherchant une agence qui prendrait la carte, on tombe sur un patron plutôt à l’écoute. Il s’appelle Nandu et propose de nous aider. Il demande à son fils d’emmener Maxime sur son scooter pour aller retirer pendant que Gaëlle attend dans l’agence.
Monter derrière un Indien en scooter sans casque, un nouveau rêve se réalise. On part cheveux aux vents le long des champs de coquelicots sur un fond de soleil couchant bercé par la douce sélection de Chérie FM et…
Et voilà la vraie version
On part en mode course poursuite dans les rues de la ville, on traverse même des bidonvilles. À la Jason Bourne, on slalome entre les mendiants et les tuk tuks. Les autres scooters et motos foncent avec des œillères et les vaches avancent tête baissée, mais ça passe. Parfois très, très juste, mais ça passe. Il suffit de rentrer un peu, beaucoup, à fond les genoux et ça passe. On vient tout juste de faire péter le record mondial de la plus rapide montée d’adrénaline, mais tout le monde est vivant.
Priorité à elle. Non ??
Tous les DAB sont fermés sauf un. La queue est immense, mais tout le monde laisse passer Maxime, incroyable ! Attendez, c’est un peu trop facile là … Les 4 cartes sont refusées ! Ah voilà qui est mieux. Bah bien sûr, on n’allait pas s’en tirer comme ça enfin. Vous croyez qu’on en aurait fait tout un article ???
Nandu propose d’essayer le lendemain à l’ouverture de la State Bank of India, plus grosse banque du pays. Selon lui, on a 99% de chances d’être aidés, mais si elle dit non aucune autre banque ne le pourra.
La file indienne en Inde
Ce soir-là, après avoir payé notre hôtel et mangé, il ne nous reste que 109 roupies en poche, soit 1,50€ !
La fissure qui avait commencé à grignoter notre moral en début de journée est désormais bien plus entamée, mais l’espoir est encore là. Le lendemain, le grand prix moto de Gorakhpur reprend de plus belle avec toujours le Valentino Rossi du peuple aux manettes. Mais pour rien, encore une fois.
La state bank of India ne peut (veut ?) rien faire. Les magasins refusent le paiement par carte contre du cash et Nandu propose qu’on lui fasse un virement, mais c’est trop long. Même Western Union n’a plus de cash ! D’ailleurs on a été voir leur bureau et c’est nous qui voulions leur prêter de l’argent après … Le moral se rapproche désormais du niveau 0. On pense même à retourner au Népal, dont l’Annapurna, Lumbini et les distributeurs nous rendent nostalgiques.
Dans le journal en Inde
Ajay, ami de Nandu, souhaite écrire un article sur notre histoire, à paraître le lendemain, pour montrer que le gouvernement n’aide pas les touristes, que seuls les locaux leur viennent en aide. Il est journaliste à l’Hindustan Times, un grand journal national écrit exclusivement en hindi.
Le temps de comprendre que ce n’est pas une blague qu’un photographe arrive. Il faut garder notre sérieux. Il ne faut pas rire ni sourire du tout, mais de savoir qu’on veut nous mettre dans un journal national … On met 10 minutes à prendre cette photo !
Quelques secondes après le téléphone de Nandu sonne. Le patron d’un magasin rappelle, car il accepte finalement un échange de 4 000 roupies par carte contre du cash. Sans commission ni remerciement. Un geste qui va nous permettre de partir loin d’ici, et manger par la même occasion. Ce que l’on n’a plus fait depuis 24 heures.
Repus et heureux tout plein d’êtres détenteurs de… 56,70 €, on retourne à vingt heures à son agence, pour prendre le bus de nuit.
Halala, quelle belle journée !
Le bus n’arrive qu’à une heure trente, ponctualité indienne oblige. En attendant, on regarde Jurassic Park, à l’agence, en compagnie des deux jeunes fils de Nandu, qui se bidonnent dès qu’un personnage se fait déchiqueter par un dinosaure. C’est qu’on trouve les situations tout de suite plus comiques en hindi.
Eux se font bouffer par des dinos et nous on n’a pas de tunes. Chacun ses p’tits problèmes !
Dans le bus de nuit en Inde
Après une nuit et une matinée passées à essayer de dormir entre deux nids de poule, trimballés de droite à gauche et sautant jusqu’au plafond à chaque secousse sur notre couchette double, parfois en pleine lévitation, on arrive à Agra vers quinze heures. On trouve un petit hôtel à deux pas du Taj Mahal, en se disant qu’on se lèvera tôt, demain, pour retirer et enfin aller contempler la merveille qui nous a fait venir jusqu’ici.
On ne parle pas de l’état du bus, c’est mieux en images !
Inde : donne-moi du cash !
Le lendemain, l’esprit conquérant et positif qui nous habite retombe comme un soufflet dès la première banque. La foule est agglutinée devant les portes, mais un policier nous fait signe de doubler tout le monde. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur que le même policier nous dit que c’est que pour les remises de chèques. Est-ce qu’on a des têtes à avoir un compte en Inde ??
On nous indique le chemin d’une banque, sur lequel on rencontre des Français : Agnès et… Maxime.
Ils ont voyagé pendant 1 mois en Inde du Sud sans trop de problèmes, mais rencontrent plus de difficultés depuis qu’ils sont dans le Nord. L’équipe des 4 mousquetaires part donc à la conquête de la State Bank of India, encore elle. Snobés un premier temps par les employés, on finira par forcer le passage pour entrer dans la banque. Eux non plus ne peuvent rien faire, mais nous conseillent d’aller à l’agence principale de cette banque à 3 km de là. On n’a pas de liquide pour prendre un tuk tuk mais un Indien qui passe par là nous propose de nous y déposer.
Ils sont doux ces Indiens !
Depuis 4 jours que nous sommes en Inde, seuls les locaux nous aident, sans rien demander en retour. Seulement préoccupés par notre problème de touristes alors qu’eux en ont certainement des plus importants. Ils sont formidables ! Une aide qui est la bienvenue et qui nous réconforte dans un pays qui peut paraître parfois hostile.
À l’agence principale, symbole de notre dernier espoir, on explique notre problème. Les employés semblent totalement, incroyablement, littéralement … indifférents à notre requête. Lorsque l’un d’entre eux, certainement le gros malin de la bande, nous suggère d’aller essayer de retirer dans un distributeur en ville. À ce moment précis, monte en nous comme une envie de violence. Vous savez, cette même envie provoquée par le bruit que le moustique vient joyeusement chantonner au creux de l’oreille pour avertir que non, on ne l’a pas tué. Juste pour nous narguer. Au moment de s’endormir. Juste à 3 heures du matin.
Au lieu de violence, cet employé récoltera notre mépris total ainsi qu’une demande ferme de rencontrer le manager général de la State Bank of India.
On convoque le directeur dans son bureau !
Jean-Michel Gros-Malin
Nous sommes dans le bureau du boss qui nous suggère d’aller à l’autre agence. Oui, celle d’où l’on vient. On remet donc le mode « mépris total » sur ON. À ce moment-là, Jean-Michel Gros-malin revient à la charge. Tout sourire dans le bureau, il nous dit que 20 % des distributeurs fonctionnent. T’es gentil Jean-Mi, mais on vient de faire 6 fois le tour de la ville. En plus, sur le bureau du boss, la une d’un journal local décrit tous les DAB comme hors service.
Laurel et Hardy ont bien répété leur sketch visiblement et prétendent que nos cartes ne passent pas chez eux. Mais ils ne veulent pas non plus qu’on les essaye. On quitte le duo comique après 45 minutes de spectacle, en insistant bien sur les remerciements.
Encore bredouilles
On repart d’où l’on vient en espérant trouver un commerce qui accepterait le paiement par carte contre du cash. Mais comme plus personne n’a d’argent ou prétend ne pas en avoir, c’est pas gagné. Autant de chances que si on allait faire une danse de la joie au soleil couchant après avoir sacrifié trois poulets.
Cet Indien, sans doute après avoir vu le film « Là-Haut », semble déterminé à quitter le pays.
On fait un détour par le club de golf d’Agra, puisque le mot « golf » génère de l’argent presque à lui tout seul, mais même ici les caisses sont vides. Le gazon peine à pousser sur le parcours et dans le proshop 3 sacs de golf des années 30 tout poussiéreux se courent après…
Espoir en Inde
Désespoir en Inde
C’est en revenant dans le quartier de Taj Ganj que l’intervention divine a lieu. Les Indiens font la queue devant un DAB qui vient d’être approvisionné. Bonheur ! Queue que nous évitons puisque Gaëlle & Agnès se faufilent dans celle réservée aux femmes qui les laissent passer. RE bonheur !! Même chose au distributeur suivant. Nirvana !!!
On est partis de notre hôtel depuis 9 heures du matin. Nous avons marché 30 kilomètres dans la ville. On l’a déjà bien visitée au passage. C’est aux alentours de 18 heures qu’on trouve l’argent pour continuer à manger, à dormir, aller visiter le Taj Mahal. Mais surtout, SURTOUT, pour se barrer d’ici jusqu’au Rajasthan où l’herbe serait bien plus verte.
Nous tenons à préciser que la visite du Taj Mahal coûtant la bagatelle de 1 000 roupies par personne (soit 14 petits euros). Nous avons dû recommencer la tournée des DAB dès le lendemain.
Maintenant, on a des amis en Inde
Nous avons constaté que le gouvernement et les banques, une belle bande de #&%@!!!, ne se soucient guère des problèmes des Indiens ou des touristes. Prendre des mesures drastiques en laissant toute une population dans la misère et en creusant toujours plus des inégalités sociales déjà extrêmes révèle un gouvernement de lâches et d’irresponsables, d’autant plus qu’on parle ici de plus d’un milliard d’êtres humains. Les journalistes et locaux tentent de faire bouger les choses, mais… à quand la révolution les gars ???
De cette expérience on en tire le meilleur, à savoir l’entraide des locaux. Ils se sont préoccupés de nous, pauvres touristes, alors qu’eux se battent pour retirer au quotidien. Ils nous ont aidé juste avec le cœur sur la main, sans jamais accepter un quelconque remerciement de notre part. Elle nous a servi à faire de belles rencontres, Indiennes comme Françaises.
Notre visite de l’Inde peut enfin commencer. Mais, après 4 petits jours, on est déjà sûrs et certains de ne jamais l’oublier. Surtout depuis qu’on est passés dans le journal !
Marchez sur nos pas !
1 € = 71 Roupies indiennes (INR)
Les hébergements
- Gorakhpur – Hotel Grand Kaushal : 800 INR (11,30 €) la chambre double sans petit déjeuner.
- Agra – Sai Palace Hotel : 855 INR (12,10 €) la chambre double sans petit déjeuner.
Agence de voyages de Nandu Gupta
- Pashupati Nath Tour & travel : Nanda Nagar, Air Force Area, Gorakhpur-Kushinagar Rd, Gorakhpur, Uttar Pradesh 273008. En face de la porte 3 de la gare.
Comments (8)
J’ai tellement rigolé en lisant votre article, on est actuellement en Inde avec mon copain, on part pour la Thaïlande bientôt, et nous aussi on a traversé cette magnifique frontière à Sonauli et cette splendide ville de Gorakpur! merci pour ce moment ca m’a remonté le moral de voir qu’on est pas les seuls à galérer en Inde du Nord!
Ah l’Inde, toujours une aventure épique ! 🙂 Merci beaucoup, on espère que vous avez réussi à apprécier l’Inde autant que nous et on vous souhaite une bonne continuation ! 😉
Il est intéressant de comparer votre article à celui du journaliste indien. Il met l’accent sur votre rencontre avec Shivam Gupta (et son fils (?) Bankaul), qui a favorisé votre hébergement et vous est venu en aide pour que vous n’ayez pas une mauvaise idée de l’Inde. Il relève que vous avez été contents puisque vous l’avez remercié plusieurs fois. Il précise enfin que vous avez pu obtenir 4 000 roupies, puis 3 000, et que vous avez pu voir le Taj Mahal…
Que de bons souvenirs avec ces gens au cœur d’or qui ont tellement fait pour nous. Merci beaucoup pour la traduction 🙂
Je suis sur qu il s agit d un avis de recherche suite a une petite escroquerie de tourites français ….je suis mdr, trop fort votre arrivée en Inde
Bonnes fetes et tres bonNoel au bout du monde , on pensera bien a vous a l ouverture des huitres….
Oui, apparemment ils ont même retrouvé le « cerveau » de la bande, un certain T. Labajour … 😉
Bonnes fêtes aussi, joyeux Noël et gardez-nous quelques huîtres !
On pense à vous, plein de bisous à tous.
Quelle expérience !! Cela a dû être difficile moralement, j’espère que vous avez pu reprendre le cours de votre voyage plus sereinement 🙂
Oui, c’était compliqué mais on a rencontré des gens supers ! Il y a encore quelques problèmes liés aux banques mais on passe un super mois en Inde ! 🙂